La très haute altitude, un enjeu majeur

Direction : Ministère des Armées / Publié le : 17 juin 2025

Au cœur de l’engagement des forces françaises, la très haute altitude (THA) offre des avantages pour l’armée de l’Air et de l’Espace dans le contrôle de la supériorité aérienne mais aussi en matière de renseignement, de guerre électronique et de communication.

Rafale de la 4e escadre de chasse lors de la mission Titan en Guyane. © Armée de l'Air et de l'Espace

2 février 2023. Bercé par des vents favorables, un ballon chinois survole lentement le territoire américain. Soupçonné d’être un outil d’espionnage par les États-Unis, il est abattu au large de la Caroline du Sud par un avion de chasse américain. Le ballon et sa charge utile sont repêchés par l’US Navy. L’événement a permis de mettre en lumière le sujet de la très haute altitude (THA). Sous ces trois lettres se dissimulent des enjeux militaires et civils, le tout sur une scène internationale jalonnée de conflits affectant la terre, la mer et le ciel. La très haute altitude représente la zone comprise entre l'espace aérien aujourd’hui usuellement contrôlé et le début de la zone orbitale. Sa hauteur se situe entre 20 km et 100 km d'altitude au-dessus de la Terre. Une limite adoptée par la Fédération aéronautique internationale et la NASA. 

Des caractéristiques particulières

La THA repose sur un constat préalable : « Plus les technologies se développeront, plus nous serons susceptibles de voler haut et vite », estime le général de brigade aérienne Alexis Rougier, officier général en charge de ce dossier à l’Etat-major de l’armée de l’Air et de l’Espace. Elle est indéniablement un facteur de supériorité militaire pour les États. Mais, selon lui, « l’altitude et la vitesse procurent aussi un avantage civil, pour la logistique et les transports par exemple ». 

Pour ce faire, il faut être en mesure de posséder et contrôler les technologies attenant à la THA. En effet, dans cette zone évoluent les HAPS (pour High Altitude Permanent Systems) dont faisait partie le ballon chinois – qui se déplacent lentement et les armes hyper véloces – des missiles à la vitesse extrême qui réduisent la capacité de réaction de l’adversaire. Ces dernières « permettent de pénétrer dans des territoires ennemis à plusieurs milliers de kilomètres », précise le général Alexis Rougier. Ce sont aussi leur permanence et leur survivabilité qui jouent en faveur de ces armes. « Les aéronefs peuvent classiquement tenir jusqu’à 24 ou 48 h ; les HAPS tiennent plus longtemps. Enfin, par l’altitude, nous nous positionnons au-dessus de la mêlée pour déjouer les menaces adverses », ajoute le général. 

© Ministère des Armées

Une course entre États

Le contexte géopolitique actuel, marqué par des conflits en cours (Ukraine) et des tensions non-négligeables (Taïwan), pousse les États à fort budget militaire à investir dans les armes hyper véloces. La Russie et la Chine ont déjà déclaré posséder de tels missiles ; en retard sur ses deux rivaux, les États-Unis ont annoncé, en mars 2024, avoir terminé les tests de l’AGM-183A, un missile hypersonique conçu par le géant de l’armement Lockheed Martin. Quant à la France, elle maîtrise l’hyper vélocité, à travers des missiles à statoréacteur manœuvrant. En 2023, un tir d’essai du planeur hyper véloce VMaX1, depuis le site de Biscarrosse de la DGA Essais de missiles, a ainsi été effectué. Avec sa société, Hemeria2, Nicolas Multan a conçu le ballon stratosphérique manœuvrant, baptisé Balman. « Nos clients sont les grandes institutions du domaine du spatial et de la défense », précise-t-il. Preuve que les pouvoirs publics français sont pleinement engagés dans cette « course » à la THA. 

Des défis multiples

Posséder des technologies poussées est crucial pour assoir sa position dans la zone. Mais de multiples défis se posent encore pour les États. Le routage en est un élément clé, il s’agit de « savoir où va le ballon, à quel endroit stratégique le mettre. La difficulté est prévoir sa trajectoire », précise Franck Lefèvre, directeur technique général près l’Office national d'études et de recherches aérospatiales (Onera). La maîtrise de la propulsion et de la température est également prépondérante. Dans la THA, les températures sont trop élevées, ce qui risque d’entraîner une fusion du compresseur d’air. C’est pour cela que le statoréacteur est utilisé pour ces armes à la vitesse hypersonique. « La France a une maîtrise poussée de ces technologies », observe le général Alexis Rougier, qui rappelle que le ministère des Armées base sa stratégie dans la THA sur le triptyque « détecter, intercepter et agir ».

Des opportunités à saisir

Comme pour le ciel et l’espace, la THA offre des avantages pour l’armée de l’Air et de l’Espace, dans le contrôle de la supériorité aérienne, et pas seulement en matière offensive. « Ces opportunités concernent notamment les capacités qu’offre la très haute altitude en matière de renseignement, de guerre électronique et aussi de communication », explique le commandant Alexandre, chef de la division puissance aérospatiale du Centre d’études stratégiques aérospatiales de l’Armée de l’Air et de l’Espace. 

De ce contrôle et de ces capacités dépend finalement la souveraineté étatique. La très haute altitude n’est pas à proprement parler dépourvue de cadre juridique. En témoignent la Convention de Chicago de 1944, fixant la souveraineté nationale des États en matière de réglementation aérienne, et le traité international de 1967, relatif à l'exploration et à l'utilisation de l'espace extra-atmosphérique. Ce dernier est considéré comme un espace commun où la notion de territorialité ne s’applique pas.

La difficulté provient donc du choix des États : approche fonctionnaliste ou spatialiste ?

« Selon le cadre juridique applicable à cette zone (aérien ou spatial), en découlent des conséquences de souveraineté et d’utilisation de cette tranche, comme la libre circulation pour un satellite d’observation et donc la liberté de prise d’images. À l’inverse, si nous appliquons le droit aérien et le principe de souveraineté associé, un aéronef ou un ballon devra demander aux États de survoler leur territoire », analyse le colonel Guillaume Bourdeloux, qui a commandé la Brigade aérienne des opérations spatiales au sein du Commandement de l'Espace. Une application homogène permettrait de mettre de l’ordre dans ce sujet foisonnant mais elle pourrait aussi réduire la liberté d’action des États et leur champ opérationnel. 

1 Pour véhicule manœuvrant expérimental.

2 L’entreprise est spécialisée dans des technologies de pointe comme les systèmes sécuritaires ou de trajectographie.

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